En direct de Lady First 3 sur la Transat du RORC
Le 8 janvier, Christopher Pratt et l’équipage de la belle Lady First 3 ont mis les voiles depuis Lanzarote. Avec les trente autres concurrents de la transat du RORC (NDLR : Royal Ocean Racing Club), ils vont traverser l’Atlantique pour rejoindre Grenade en une quinzaine de jours. Christopher vous raconte leur périple avec ses carnets de bord quotidiens.
Jour 9 - Dimanche 16 janvier 2022
La journée a été tranquille. Il commence à faire chaud sous ces latitudes. Les conditions météos et de course sont plus clémentes. Nous avons même essayé de pêcher ! Sans grand succès, je dois l’admettre. Hier en fin de journée, nous avons eu la chance d’être accompagnés par une baleine qui est restée plusieurs heures à jouer avec le sillage du bateau !
Nous allons rester encore une grosse journée sur ce bord puis nous empannerons pour faire route quasi-directe vers l’arrivée à Grenade. Les journées sont rythmées par les rotations de quarts, les repas conviviaux et les petites bricoles techniques que nous avons à faire. Olivier a fait quelques allers-retours dans le mât suite à l’usure prématurée de notre drisse de spi que nous surveillons désormais comme le lait sur le feu.
Après presque dix jours de mer, je ne parviens toujours pas vraiment à prendre un rythme. Je crois que cette alternance en trois heures ne me convient pas. Je n’arrive pas à vraiment me reposer. Je lis un peu.
Autant la première partie de la course était particulièrement complexe au niveau stratégique, autant maintenant, c’est une course de vitesse et de slalom entre les grains. Ces derniers nous ont déjà bien embêtés ces deux dernières nuits et cela va s’intensifier dans les prochains jours.
Nous serons demain à moins de mille milles de l’arrivée et nous pensons franchir la ligne en cours de journée vendredi. Pour l’instant, nous profitons de cette course-croisière. L’ambiance à bord est toujours aussi sympathique et pour ma part je profite toujours autant des savoirs de nos invités du bord pour parfaire ma culture maritime, littéraire et industrielle ! Un régal.
Jour 11 - Mardi 18 janvier 2022
C’est la deuxième nuit compliquée d’affilée. En pleine nuit, le spi s’est déchiré… C’est donc le second spi inutilisable. Désormais, nous devons finir la transat avec notre dernier spi. Je le surveille comme le lait sur le feu ! Malgré la fatigue qui commence à s’accumuler, L’ambiance est toujours aussi agréable et détendue.
La météo est un peu plus sportive que prévue. Le vent est bien rentré et la mer est selon le terme technique « merdique » !
Ce n’est pas aussi intense qu’une transat en IMOCA pourtant je me sens fatigué. Il faut dire que cela fait deux nuits que je ne ferme quasiment pas l’œil. Je dors souvent un peu au petit matin quand la vie reprend à bord. Je ne médite pas autant que d’habitude. Nous sommes nombreux et parlons beaucoup. Je n’ai pas vraiment le temps de penser !
Au rythme actuel, nous prévoyons une arrivée vendredi dans la journée à l’heure locale. Nous franchirons la ligne mais ne débarquerons probablement pas en raison du contexte sanitaire…
Les trois derniers jours s’annoncent encore un peu plus sportifs avec du vent, des grains et une mer bien désordonnée. Nous nous y préparons au mieux.
Jour 12 - Mercredi 19 janvier 2022
Les jours et les nuits s’enchaînent à bord. C’est étrange comme elles se ressemblent tout en étant à chaque fois différentes. C’est un peu un principe de base, car les choses ne se passent jamais comme prévu… ! Les grains nous surprennent quand nous ne les attendons pas, les casses surviennent toujours au beau milieu de la nuit ! Classique. Parfois, la mer devient complètement chaotique et mauvaise en quelques heures alors que l’instant d’avant, nous évoluions dans une carte postale.
Dans l’ensemble, nous vivons une transat de rêve. L’équipage fait de son mieux pour faire avancer la belle Lady. En son antre, c’est toujours le confort d’un appartement 4 étoiles. Nous avons même tenté de pêcher ! Vous imaginez un peu ? Pour moi, mettre délibérément quelque chose dans l’eau parait dingue ! Figurez-vous que nous avons accroché une splendide daurade coryphène ! Branle-bas de combat et affalage du spi pour essayer de l’attraper. Mais, là, patatras… Elle a réussi à nous échapper réussissant en un saut désespéré à se dégager ! Depuis, nos autres tentatives ont été vaines, le vent est plus fort et le bateau va trop vite…
Le spectacle quotidien est splendide. Les lumières du couchant et du levant sont incroyables. La lune nous a éclairé toute la transat. Ces jours-ci, elle est pleine. Elle cohabite même avec le soleil. Si c’est pas le grand luxe ! On nous a même installé la lumière pour la nuit ! Je vous dis, c’est presque trop ! J’essaie d’en profiter un maximum. Il nous reste quelques heures encore en mer, hors du temps, hors de la société et de ses turpitudes. Il faut savourer.
Jour 14 - Vendredi 21 janvier 2022
Nous voici entrés dans les dernières 24 heures en mer. Et c’est sous haute tension que nous progressons vers la ligne d’arrivée. L’alizé est désormais bien établi et même parfois très tonique le tout dans une mer toujours désordonnée. Cela aura été le thème de cette seconde partie de course ! Nous enchainons les empannages et autres manœuvres pour préserver notre dernier spi sans trop ralentir.
Nous devrions couper la ligne d’arrivée en milieu de journée heure locale (fin d’après-midi heure française). S’il est vrai que tout le monde a hâte de voir Grenade et de retrouver ses proches, une pointe de nostalgie se fait sentir dans les yeux de chaque équipier. Nous savons que la parenthèse enchantée est terminée et que la vie va rapidement reprendre son cours.
Quelle chance nous avons de vivre ces instants magiques à bord de ce 60 pieds fantastique !
Vous me pardonnerez de conclure sur un lieu commun, mais c’est souvent quand une chose prend fin que l’on se rend compte de sa valeur.